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Faire un voyage à vélo en solitaire, au masculin

Par le 5 Fév - Autres astuces Vie pratique

velo electrique solitaire

Invité partout, le voyageur solitaire jouit d’un statut particulier. Il est celui qu’on n’attendait pas, ou plus. Souvent perçu comme un extraterrestre, il essaye en réalité juste de devenir, un peu, un terrien extra. Privé de langue commune, à la fois planté hors sol de sa propre culture et constamment en relation, voilà l’éternel étranger tour à tour messager, conteur, transfuge, élu, incarnant une part de rêve qui habite chacun d’entre nous, le titille ou l’effraye.

Rouler, tracer, laisser une seule marque derrière soi

Partir seul, c’est éprouver encore plus et devenir souvent le centre du monde en chaque lieu. Croire en son destin, le vivre et le forger, asseoir sa légende. Seul mètre à bord, on retrouve un puissant sentiment d’unité avec soi, avec sa bicyclette, avec l’être au monde, mais ne le cachons pas, sans ego, pas de voyage en solitaire de longue durée. Dans le même temps, se donner à fond, c’est se perdre et perdre, c’est donner, ici ou là, aujourd’hui ou demain. Une calligraphie terrestre qui s’efface au premier coup de vent mais se grave dans le cœur des gens. On emprunte la sente et on disparaît.

L’épreuve de la solitude, seul sur son vélo

À voyager, on se couvre de poussière et d’embruns, on ne revient jamais tout fait le même, ni tout fait différent. Les longues heures passées en route peuvent tourner au mieux à la méditation, au pire en rond. Rêves éveillés, souvenirs, plans futurs, hauteur de selle tout paraît possible. De la distance, oui, mais encore faut-il trouver de la hauteur ! Qu’on ne s’y méprenne pas, le voyage avec le vélo électrique est tout sauf du travail, des vacances ou une tournée gastronomique, ou peut-être un peu tout à la fois. C’est une parenthèse dans le temps qui s’apparente aussi quelquefois une ascèse. Partir pour longtemps signifie rompre ses liens physiques et ses marques sensorielles, risquer un poste de travail, une situation stable et rassurante. C’est pourquoi, le jour du départ, on est bien souvent seul par défaut (mais toutefois nombreux l’arrivée). L’archétype du voyageur vélo au long cours est ainsi masculin et solitaire, une sorte de lonely cow-boy far away from home, parfois perçu comme un ours. Un loup solitaire fusionné à son prolongement naturel, son androgyne vélo-bicyclette, un Vélhomme dont le fantasme suprême serait de rencontrer son alter-ego de l’autre sexe, pédalant si possible dans la même direction !

La solitude n’exclut pas la compagnie

Même si l’on se jette de façon éperdue sur la route, celle que l’on aime le mieux n’est pourtant jamais celle que l’on pédale, car on ne se nourrit pas essentiellement de kilomètres, mais de relations aux êtres chers. Ainsi donc, le plus beau des décors n’éponge pas la plus profonde des solitudes. Devant un paysage, le partage en affermit sa beauté et donne dans le futur la possibilité de s’y replonger, ensemble. À l’autre bout du monde, face la solitude et l’irrépressible besoin d’amour, on connaît chroniquement le manque. Il n’existe aucun remède, le nomade est un condamné de la solitude. Certes la liberté totale permet de vivre de belle manière et ouvre de nombreuses portes. C’est paradoxalement en présence d’amis que l’on peut se remettre en cause et évoluer, rarement face des gens dont on ne parle pas la langue, rencontrés une seule fois, le temps d’un repas. Même si le voyage valorise le moment présent, démultiplie son intensité jusqu’au paroxysme. Éloignement rime souvent avec égarement et, parfois, avec désintégration. À force d’être constamment un satellite sur orbite, on redevient instinctif, au risque de perdre l’équilibre, flottant dans l’apesanteur et la métaphore. De la transe l’addiction, grâce à quelques bons milliers de coups de pédale, vous aurez accompli votre long voyage. On a beau alors se retourner, jusqu’au dernier souffle la route, comme la vie, est devant soi. Solo.